Centre d’art photographique Reza à Châteauvillain : une chance à saisir
Le 30 juin, la Maison Laurentine va ouvrir à Châteauvillain un centre dédié à la photographie et à l’oeuvre de Reza, célèbre photojournaliste. Pour une durée de trois ans... ou plus si affinités.
Ouvrir un «Centre d’art photographique Reza» à Châteauvillain. C’est le nouveau pari, un peu fou, de la Maison Laurentine qui, depuis 15 ans, expose des artistes de toutes disciplines et de toutes origines. Et c’est prévu pour le 30 juin 2024.
Dans un premier temps, il s’agit d’une préfiguration, d’une durée de trois ans (2024-2027). Et il n’est pas impossible que ce centre d’art photographique aille ensuite s’installer ailleurs. Mais si ça marche, et si les institutions et collectivités sont prêtes à investir dans ce lieu (outre le bâtiment, il faut prévoir la constitution d’une petite équipe avec un conservateur), ce centre d’art photographique pourrait devenir permanent et contribuer ainsi assez fortement à l’attractivité du territoire. Car Reza Deghati, alias Reza, exilé en France depuis 1981 après avoir fui l’Iran, son pays natal, est un photojournaliste de renommée internationale. Véritable globe-trotter, il est allé dans plus d’une centaine de pays, souvent sur des terrains de guerre. Mais il préfère se voir comme un «correspondant de paix» plutôt que comme un photographe de guerre.
En l’espace d’une cinquantaine d’années, il est l’auteur de quelque 2 millions d’images, dont environ 650 000 en argentique.
Ses photos, dont certaines sont célèbres comme celles du commandant Massoud en Afghanistan, ont fait la couverture de National Geographic Magazine à de nombreuses reprises, et beaucoup d'autres ont été présentées dans de grandes publications internationales telles que Time Magazine, Stern, Newsweek, El País, Paris Match, Géo...
Le travail de Reza a été exposé et primé dans le monde entier. De nombreux livres ont aussi été publiés.
Des expositions permanentes et temporaires
C’est en 2018, lors des Rencontres philosophiques de Langres, que Pierre Bongiovanni et Marie-Solange Dubès, qui animent la Maison Laurentine, ont rencontré Reza et Rachel Deghati, sa compagne, autrice et éditrice, qui travaille à ses côtés depuis 30 ans et met souvent des mots sur ses images. Et depuis 2020, le photographe a été programmé à plusieurs reprises par la Maison Laurentine. Il est aussi intervenu auprès de publics scolaires et a participé à des sorties photographiques avec des amateurs au sein du Parc national de forêts.
Sur le site «Le Chameau» à Châteauvillain, il s’agit désormais de dédier un lieu, «L’Expédition», à la photographie. Avec une exposition permanente pendant trois années des photographies iconiques de Reza (une centaine d’images dont 20 à 30% seront renouvelées chaque année). Avec une exposition temporaire annuelle également consacrée à Reza (cette année, sur le thème «A contre guerre», avec une série de photographies illustrant des situations intermédiaires qui ne sont plus tout à fait la paix sans être encore tout à fait la guerre, ou l’inverse). Et avec une présentation des travaux produits lors des «ateliers Reza» mis en œuvre dans différents contextes (banlieues, camps de réfugiés, etc.).
Masterclass et workshops
Le centre d’art photographique de Châteauvillain entend aussi montrer le travail d’autres jeunes ou moins jeunes photographes. Cette année, ce sont quatre femmes qui seront exposées sur le thème «des femmes, des vies, des libertés» : Fatimah Hossaïni, une Afghane exfiltrée en 2021 après le retour des talibans ; Shelle Tchuisse, une photographe camerounaise que Reza a rencontrée récemment dans le cadre d’une formation qu’il a assurée au Cameroun ; Roshanak, franco-iranienne ; et Alice Marc, une photographe française -et médecin- originaire d’Auberive, qui a photographié des femmes engagées dans le soin.
Il est aussi prévu que dans le cadre de ce centre d’art photographique Reza anime des masterclass et des workshops : une première masterclass sur «les langages de la photographie» est programmée sur une journée, le 2 juillet, avec une douzaine de participants ; et un workshop «de la prise de vue à l’editing» se déroulera sur trois journées intensives en août.
Reza, qui était présent avec Rachel Deghati et Pierre Bongiovanni au salon du livre de Chaumont, ne cache pas qu’il est sollicité pour présenter sa collection et créer un centre d’art dans d’autres endroits, notamment du côté de l’Aubrac, de Sète ou encore de Neuilly-sur-Marne. Mais le photographe se réjouit de l’«osmose» qui s’est créée avec la Maison Laurentine et Pierre Bongiovanni : «On a les mêmes idées et le même regard».
Pour aller à l’opposé du «zapping» des festivals
Affichant à son compteur pas moins de 366 expositions, en France et dans le monde entier, il a participé à tous les plus grands festivals de photographies. Mais selon lui, alors que l’attention du visiteur est limitée à environ deux heures, ces festivals montrent bien trop d’images et sont devenus des formes de «consommation zapping».
A l’inverse, ce qui l’intéresse dans le projet de Châteauvillain, c’est l’esprit, le temps qui est accordé, et la «profonde réflexion» qui peut être portée sur 50 années de travail. C’est aussi la transmission à laquelle Reza se dit très attaché depuis plus de 40 ans qu’il fait des formations.
«La photographie est devenue l’art majeur le plus populaire au monde», est-il convaincu. «C’est une arme de reconstruction massive de l’humanité...»
Christophe Poirson