Centre d’art photographique Reza : «On aime bien ramer à contre-courant»
La Maison Laurentine et l’agence Webistan ont ouvert le centre d’art photographique Reza à Châteauvillain le jour du premier tour des législatives. Une ouverture sur le monde dans un contexte bien particulier...
Le jour même où 57,87% des suffrages exprimés à Châteauvillain se portaient sur le candidat du RN dès le premier tour des législatives, la Maison Laurentine et l’agence Webistan ouvraient sur le site Le Chameau le centre d’art photographique Reza. C’est-à-dire une exposition permanente des photographies «iconiques» réalisées dans le monde entier par le photoreporter d’origine iranienne, ainsi qu’une exposition temporaire intitulée «A contre-guerre», sélection de ses images sur ces situations intermédiaires qui ne sont plus tout à fait la paix sans être encore tout à fait la guerre.
Le centre d’art photographique de Châteauvillain montre aussi le travail d’autres photographes. Cette année, ce sont quatre femmes qui sont exposées sur le thème «des femmes, des vies, des libertés».
Avec «L’audace de la beauté», Fatimah Hossaïni, une Afghane exfiltrée en France en 2021 après le retour des talibans, raconte par la photographie des histoires puissantes d’identité et de féminité mises en scène en Afghanistan. Une façon de résister par l’élégance...
Des photos prises dans le monde entier... et à Châteauvillain
Photographe franco-iranienne, Roshanak s’intéresse au courage des femmes face aux difficultés. Elle prend des photographies en noir et blanc qu’elle peint ensuite à la main, comme pour leur donner les couleurs de la vie. C’est «la couleur pour survivre».
A travers son projet photographique intitulé «I want to be like her», l’artiste camerounaise Stella Tchuisse raconte les histoires de 10 femmes africaines dont la vie peut servir d’inspiration à une nouvelle génération.
Et après la série emblématique des Jocondes qui avait été exposée en pleine crise covid sur les grilles de la préfecture, Alice Marc, photographe et médecin originaire d’Auberive, a photographié -dans le studio de Châteauvillain- des femmes engagées dans le soin (infirmières, aide-soignantes, etc.).
Une 7e exposition montre des photos résultant d’une formation au langage de l’image conduite par Reza au profit de 46 jeunes des banlieues de Buenos-Aires, en Argentine.
Enfin, pas moins de 3 000 portraits d’enfants perdus rassemblés sous une tente évoquent le 30e anniversaire des massacres au Rwanda et plus particulièrement le sort des dizaines de milliers d’enfants qui ont été séparés de leurs parents et se sont retrouvés dans des orphelinats ou des camps dans l’ex-Zaïre. A l’époque, dans le cadre d’une opération conduite par l’Unicef et la Croix Rouge, Reza avait formé des réfugiés à photographier ces enfants, les portraits étant ensuite exposés sous de grandes tentes où les parents ayant perdu un enfant se rendaient pour essayer de le retrouver.
«La photo, c’est aussi ça !»
Le regard de ces «enfants non accompagnés» (il y en a eu 27 000 et 3 500 ont retrouvé leurs familles grâce à ce dispositif) est particulièrement bouleversant...
«La photo, c’est aussi ça !», commentent Rachel Deghati et Pierre Bongiovanni, les deux concepteurs des expositions de Châteauvillain qui ont donc ouvert leurs portes dans un contexte électoral marqué par les scores écrasants du RN.
Cette année, la saison artistique de la Maison Laurentine (et de Webistan, l’agence de Reza) s’intitule «1000 mondes, 1 seule humanité». Tout le contraire d’une vision réduite du monde et du repli identitaire... «On assume complètement la culture comme un acte politique», commente Rachel Deghati.
«On aime bien ramer à contre-courant», sourit Pierre Bongiovanni. Tout en constatant, de manière générale, que la culture n’a guère d’influence sur le vote. Quand la Laurentine a commencé ses actions culturelle à Aubepierre-sur-Aube, il y a une quinzaine d’années, l’extrême droite devait être à 15%. Aujourd’hui, elle est à plus de 50%. Forcément, ça rend modeste...
Le centre d’art photographique Reza sera ouvert jusqu’au 27 octobre tous les jeudis, vendredis, samedis et dimanches de 14 h à 19 h. Entrée libre et gratuite.
Il rouvrira ensuite au printemps et restera présent à Châteauvillain au moins pendant trois ans, avec chaque année de nouvelles expositions temporaires et un renouvellement de l’exposition permanente.
Arguant qu’il s’agit là d’une véritable opportunité pour l’attractivité du territoire (l’idée, c’est d’y organiser aussi des actions pédagogiques, des conférences,, des ateliers, des rencontres), la Maison Laurentine espère que des collectivités et/ou institutions auront envie d’investir dans ce lieu pour le pérenniser. Sinon, ce centre d’art photographique ira voir ailleurs. Considéré comme un «grand maître» de la photographie, Reza est particulièrement sollicité...
Christophe Poirson




